Lettre ouverte à M. Pierre Cofsky
Directeur général et des ressources humaines, Collège
St-Sacrement, Terrebonne.
Quand l’école perd son but premier, celui d’éduquer !
Comme à peu près tous ceux de ma
génération, mon homme et moi sommes des enfants de l’école publique. Or, nous
avons inscrit notre fils à l’école privée en secondaire 1. Et de toutes celles où il a réussit les
examens d’entrée haut la main, nous avons choisi, la plus cotée au
Québec : le Collège
St-Sacrement. C’était aussi une
façon de perpétuer la tradition familiale puisque mes 2 neveu et nièce y ont
gradué. Je crois que comme
parents, nous avons été aveuglés par la fierté qu’inspire le fait que notre
progéniture se démarque et réussisse, là où tant d’autres échouent. On nous a en fait fait croire qu’il
était choisi au lieu de nous arroger le droit comme parents, de choisir ce qui
était le mieux pour notre fils.
C’est alors que le piège a
commencé son effet sur notre famille.
Car non seulement, on nous a rudement rappelé qu’il avait été choisi
mais rapidement, on a aussi dit que ce privilège immense pouvait lui être
retiré et l’on a même fixé le nombres d’offenses qui séparaient notre fils de
ce mérite !
La ronde des menaces, des
avertissements, des conséquences et des punitions a commencé insidieusement
d’abord. Pour voir si mon fils saisissait le message des nombreux avis, je lui
ai demandé de m’expliquer le système de retenues : « Une retenue, c’est soit 5 avis
d’oublis ou 3 avis de travaux non faits ». Il m’a aussi candidement dit que la plupart de ses camarades
préféraient donc mentir et dire qu’ils avaient oublié quelque chose que de dire
la vérité et de recevoir une retenue plus rapidement… Quand je lui ai demandé pourquoi lui, ne le faisait pas, il
m’a remis sur le nez que depuis son jeune âge, nous lui répétons que la vérité
doit primer sur le mensonge et qu’elle est toujours récompensée. Après cela,
comment expliquer à notre fils de 13 ans que le système instauré par son école est
juste et noble ? Comment lui
expliquer que nous n’avons jamais encouragé la couardise et le mensonge comme
parents, mais que nous payons pour que des adultes qui les valorisent indirectement
soient ses guides et que cette école soit son milieu de vie ?
Comme ce n’était pas assez de bombarder
notre fils avec les humiliations des retenues, on nous a ensuite convoqués pour
nous transformer en parents irresponsables qui ne savaient pas contrôler leur
enfant négligent, sans vraiment tenir compte du fait que personne en fait ne
donne de manuel d’instruction pour gérer l’entrée au secondaire, ni aux parents
ni aux élèves… Alors bêtement,
nous avons alors rejeté plus de blâme sur le dos de notre fils de 13 déjà
éprouvé, jusqu’à ce qu’il craque et nous avoue qu’il n’avait plus d’endroit où
se sentir compris ni même protégé.
Après l’avoir puni, puis
encouragé, nous avons traqué son agenda, nous lui avons fait rencontré la
psychologue de l’école, nous avons fait des démarches pour l’aider dans son
organisation… Mais au lieu de
bénéficier de tout cela, notre fils a subi sa nouvelle « mauvaise
réputation » en serrant les dents, appris à se taire et à encaisser. Chaque fois qu’un autre élève avait le
droit de sortir pour récupérer un livre oublié dans son casier, lui, pour la
même offense, s’est fait envoyer chez le directeur avec des commentaires négatifs
et de l’impatience manifeste. Tout
ce qu’il faisait s’est mis à se transformer en acte répréhensible. Quand j’ai
cherché à comprendre ce qui se passait au fond de lui, mon fils m’a confié son
désarroi: « À quoi ça sert de
changer maman, si le regard des autres ne change pas ? » Mais contre vents et marées, il a continué
de faire partie de l’équipe de gymnastique, de ne pas manger pour participer
aux activités du diner, de se lever plus tôt pour répéter dans l’orchestre, de
jouer pour l’équipe de football de son école avec enthousiasme. Il n’a jamais baissé les bras ni perdu
courage et nous étions d’autant plus fiers de lui.
Le 27 juin dernier, après avoir acheté
les livres d’école pour l’année suivante, nous avons pris connaissance d’un bulletin
qui rendrait n’importe quels parents fiers. Le directeur général, M. Brodeur, y avait apposé sa
signature avec la mention; cet
élève passe à la classe supérieure. Mon homme et moi avons respiré. C’est alors que dans la même journée, le verdict sans appel
nous est tombé dessus sous forme d’un bête appel du directeur des secondaires 1
pour nous annoncer qu’un comité avait décidé que notre fils était mis à la
porte du Collège St-Sacrement. J’ai
tenté de parler à ce même directeur général qui avait pourtant signé le
bulletin, pour comprendre, mais il m’a tout simplement envoyé deux lignes par
courriel pour me dire que ses résultats scolaires n’étaient nullement en cause,
mais bien la lourdeur de son dossier disciplinaire !
Comment j’explique maintenant à
mon fils de 13 ans qu’il n’a pas le droit à l’erreur ? Qu’il n’a pas le droit d’être
désorienté d’avoir quitté le primaire et d’apprendre de nouvelles règles ? Comment je lui explique que bien qu’aucun
système judiciaire au monde ne punisse deux fois un acte criminel pour la même
offense, le milieu de vie que son père et moi lui avons choisi peut le faire s’il
oublie son matériel dans son casier, ne complète pas un des numéros de son
devoir ou ne remet pas son travail à temps… ?
Comment j’explique à mon fils de
13 ans que même s’il a payé très cher, en temps et en réprimandes, à l’école et
à la maison, ses nombreux écarts de conduite, tout cela n’a servi strictement à
rien puisqu’on ne lui donne pas l’occasion de se reprendre et de relever ses
manches ? Je suis brisée
d’entendre mon gars me demander : « Pourquoi maman je suis encore puni pour quelque
chose que j’ai essayé de réparer ? Et à quoi ça m’a servi de m’impliquer
dans le sport et la musique si on m’enlève tout ce que j’aimais faire ? »
Mon fils n’a frappé personne, n’a
rien volé, n’a manqué de respect à aucun adulte ou camarade. Son plus grand crime est d’avoir 13 ans
et qu’à cet âge les adolescents vivent dans l’instant présent, qu’ils ne
peuvent se projeter dans l’avenir et qu’ils recherchent le plaisir
immédiat. Il lui manque aussi un
ingrédient essentiel pour transformer ses expériences en connaissances qui
s’appelle la maturité. Pourtant,
curieusement, il semble que des adultes qui ont la charge et le devoir
d’éduquer et de l’inspirer lui et ses 1400 pairs ne sont pas au courant de ces
vérités !
Puis-je vous rappeler M. Kofsky
de relire attentivement ce qui est écrit sur les pages de votre site Internet :
« Le passage du primaire au secondaire demeure un fait marquant dans une
vie. Au Collège Saint-Sacrement l'arrivée en première secondaire revêt une
importance primordiale puisqu'elle marque le début d'une métamorphose, de
l'entrée dans la famille du Collège et de son intégration ». Et maintenant, dites-moi que de mettre
un jeune à la porte à la fin de son secondaire 1, alors que vous reconnaissez
l’importance de ce moment charnière dans sa vie, après tout ce qu’il a fait
comme efforts et malgré d’excellents résultats scolaires; qu’après avoir nourri
et développé son sentiment d’appartenance, qu’après l’avoir encourager à réparer
ses erreurs et à montrer sa bonne volonté, dites-moi qu’un rejet sans appel, à
la fin des classes respecte un projet éducatif honnête basé sur l’apprentissage
?
Je ne sais pas si mon fils
réussira à transformer cet échec en expérience positive, mais je sais que je
remets sérieusement en doute la cohérence des objectifs et des valeurs
d’enseignement d’un établissement scolaire qui a oublié le sens profond du mot
ÉDUCATION.
Micheline Sylvestre
Productrice, scripte-éditrice et
mère