dimanche 9 mai 2010

La job de mère...

Je fais la même job depuis 15 ans et pourtant, elle n'est jamais dans mon cv. Tous les jours, ma job change et évolue... Tous les jours, je suis surprise par une nouvelle fonction que je dois occuper à pied levé. Je ne sais jamais quelle tâche je vais accomplir, à quel patron je vais répondre, quel sera mon niveau de compétences pour accomplir le travail demandé... que dire, exigé !

Pourtant, je fais ce travail sans me poser de questions, du levé au couché, sans pause et sans break syndical. Et j'ai tout appris sur le tas. Jamais suivi de cours, de stage ou de formation. Bon, je le fais avec des essais et erreurs, les oui-dire, les conseils glanés à gauche et à droite, les doutes et les égarements... Mais je le fais, sans le remettre en question et sans penser donner ma démission... Quoi que... Des fois, je menace mes employeurs...

La job de mère demande beaucoup d'imagination. J'ai développé des techniques de persuasion. Après avoir demandé 8 fois à Gauvain de ramasser sa chambre, je le menace de tout jeter. JS'il ne réagit pas, je mets tout ce qui traîne dans un grand sac vert et je fais disparaître le tout au moins une semaine, histoire de faire valoir mon autorité... Quand Éliotte ne se ramasse pas et cache ses vêtements sales dans son garde-robe, je ne lave plus son linge jusqu'à ce qu'elle se rende compte qu'elle n'a plus rien à se mettre.

J'ai demandé plusieurs fois aux enfants (et à mon chum...) de retourner leurs chandails à l'endroit et de ne pas mettre les chaussettes en boule au lavage... Sans résultats ! J'ai donc lavés, séchés et pliés tous les chandails à l'envers et mis les chaussettes lavées en boule dans les tiroirs pendant une semaine... Bizarrement, cela a eu plus d'effets que toutes les menaces précédentes.

J'ai touché à toutes les sphères de métier avec ma job de mère. Je suis couturière, coiffeuse, psychologue, mécanicienne, conseillère en orientation, coach de sport ou de vie, organisatrice d'événements spéciaux, planificatrice, styliste, gestionnaire, médiatrice, arbitre, chauffeur de taxi, motivatrice, entraîneuse, meneuse de claques, policière, enseignante...

J'ai acquis aussi des compétences transversales inattendues... Un jour, je suis architecte et je construit une maquette, ensuite j'explique la différence entre la dictature et la monarchie, puis je camoufle un bouton avec du fond de teint, je gère une bagarre, je prépare un lunch, je fais une brassée, je ramasse les crottes du chien dans le jardin, je commente un look, j'aide des formes, des volumes et une opération d'algèbre à entrer dans le crâne de quelqu'un, je coach une présentation orale, je dirige une recherche sur les bélugas, je perds ma crédibilité à la Wii, je crée des boucles d'oreilles avec des soldats de plastique, je répare une voiture de course, je recolle une tasse précieuse, je raccroche un cadre, je repeins la rampe d'escalier qui a servi de piste de course, je magasine une paire de chaussures à 20h45 quand les magasins ferment à 21h00, je transforme une paire de jeans trouée en shorts trendy, je fais des tresses françaises, je rembarque une chaîne de vélo, je regonfle un ballon qui pètera ensuite la vitre de mon voisin, je négocie une entente avec le voisin pour la réparation, je sers de médiatrice pour une guerre nucléaire autour d'un jeu de XBox ou d'une émission de télé... Bref, la routine quoi !!!

La job de mère est sans contredit une job sans possibilité d'avancement, sans horaires fixes, sans avantages sociaux, sans sécurité d'emploi, sans salaire, sans bénéfices marginaux, sans assurance emploi, sans vacances payées et sans valorisation sociale... Et pourtant, tous les jours des femmes postulent pour l'emploi, acceptent les conditions, dépassent les compétences exigées, remplissent de nouvelles tâches... et dès qu'elles le peuvent, repartent se chercher du travail tout en continuant leur job de mère !

De toutes les jobs que j'ai faites, c'est vraiment celle que je ne regrette pas d'avoir commencé. Elle n'est pas prête de se terminer non plus. Et tout ça, je l'ai fait sans savoir dans quoi je m'embarquais, sans me douter de l'ampleur de la tâche et curieusement, sans attendre rien en retour. Depuis 15 ans, je reçois mon salaire en câlins, en confidences, en sourires, en larmes séchées, en bricolages, en bisous, en complicité, en fous rires, en excuses, en scènes touchantes, en moments de grâce, d'attendrissement, de fierté ou de bonheur, en souvenirs, en surprises, en étonnement constant, en amour sincère, en regards qui me font craquer chaque fois...

Bon, je sais, cette job m'a aussi rendue moumoune à mort, inquiète et émotive à souhait ! Elle m'a ramollit et m'a attendri le coeur. À cause d'elle, j'ai la larme facile et je m'en fais pour rien et pour tout... À force d'accomplir toutes ces tâches futiles ou essentielles, je suis devenue... Une mère ! Et je remercie le gars qui m'a demandé il y a 15 ans: "On fait-tu un bébé ?" de ne pas s'être poussé ensuite et d'en avoir voulu deux autres... Grâce à lui, je tiens le coup et j'aime ma job !