mercredi 8 septembre 2010

Unbreakable under normal use !


Automne, aux tonnes... Ô Tone ! Automne de mes deux ! J'ai pas le goût de le voir arriver. Même si je ne sors pas beaucoup et que le soleil ne me fait pas, m'écrase, me déconfit, je l'aime bien... au travers de mes fenêtres... Pour travailler dans la salle à diner, il est parfait !

C'est pas que le vent me décoiffe, que la grisaille m'atteigne et me déprime... C'est pas les couleurs orangées qui ne sont pas dans ma palette, ni le gris qui me grossit, c'est la platitude qui se lit sur les visages et le découragement qui s'insinue dans les yeux des autres et de tout un chacun qui me mine, je crois... Et le sentiment que nous allons vers la dormance, qu'il faut prendre notre mal en patience et que nous serons sur le mode " mise en attente" tout l'hiver.

Quand il faut rentrer les chaises de parterre et démonter le gazebo, ramasser les feuilles et protéger les rosiers et autres petits arbustes, en croisant les doigts qu'ils survivent encore un autre hiver. Quand il faut couper l'eau et faire le fameux changement de saison que toutes les mères se tapent en vidant les garde-robes et en rangeant les sandales et les maillots qui ne feront plus l'an prochain mais qu'on garde quand même, au cas où... Je pense que mon chum pense encore que c'est magique que les bottes d'hiver et les manteaux de polar atterrissent dans le garde-robe d'entrée ! C'est comme le frigo et la toilette auto-nettoyants... Il n'a jamais lavé ça et pourtant, ils sont toujours propres... ? C'est fait comme ça, à l'usine ?

Bon. J'arrête !

Quand le Duralex est sorti, leur slogan a tout de suite été Unbreakable... under normal use... Vous vous rappelez de ces verres qui avaient l'air d'être en cristal avec de multiples facettes ? Ils pouvaient enfin tomber de nos petites mains d'enfants maladroits et ne pas se casser... Ô bonheur ! Mais quelques fois, par un mystère absolu, ils cassaient... Et quand ils cassaient, ils cassaient plus que n'importe quel autre objet en verre ! Ils cassaient en milliers d'infimes morceaux de verres, en petits éclats finement ciselés et s'éparpillaient pour nous rappeler que toute chose peut casser même si on la dit incassable...
Mon fils de 13 ans a vérifié cette affirmation vendredi dernier. Oui, oui, pendant le si beau et si long congé de l'Action de Grâces, il nous a fait la surprise de se révéler cassable. Il s'est tirailler avec son frère de 10 ans... Ils appellent ça la fracture du boxeur. C'est le petit os au-dessus de la jointure du petit doigt. Le 5 ième métacarpien pour être plus exacte. Je ne sais pas pourquoi il y a de la fierté de mâle à se casser quelque chose ?!! D'abord je l'ai vue poindre quand le médecin à l'urgence l'a examiné. Il avait ce sourire niais et entendu dès qu'il l'a vu. Avant même la radiographie, il savait à l'enflure et à la magnifique couleur bleutée de sa main que c'était cassé: Il a dit comme un pro. Vous auriez du le voir, le doc. Un sourire en coin, complice. Il a regardé mes deux garçons qui eux aussi souriaient comme dans un pacte étrange. Je vous jure, des francs maçons de la mâlitude ! Ils avaient tous les trois un sourire semblable. J'ai dit au doc: En tout cas, on aura au moins servi à vous faire sourire aujourd'hui... ! Il m'a regardée, un peu gêné de s'être fait voir ou que j'aie perçu, l'espace d'un instant, cet accord tacite entre eux qui n'est réservé qu'à la franc-maçonnerie du mâle... Il s'est excusé en me disant: Mme, j'ai deux garçons, moi aussi... Ah, la tout de suite, je me suis sentie tellement mieux et tellement comprise ! Vraiment ! AHHHHHhhhhh ! C'est donc ça, c'est NORMAL que ça se tape dessus jusqu'à ce que ça se casse quelque chose: C'est des garçons !!!!!!!!

Pfffft ! Quand on est revenus de la radiologie avec le CD et qu'on a vu la radio très nette de ce petit os plus du tout à sa place dans la belle main que j'avais pourtant parfaitement fabriquée... Re-belotte ! Le sourire du doc et revenu...et mes deux gars, pouffant de rire, plus capables de se retenir de rire devant ce trophée de chasse sur l'écran ! Mon Pierre-Loup m'a même dit, contrit: Au moins, on est pas venus pour rien, maman. Imagines si j'avais rien eu... ! Ah oui, j'imagine ! Parce que bien entendu, j'avais déjà pété ma coche depuis la veille où c'était arrivé sur la joie que j'avais d'aller me taper 4 heures dans une salle d'attente d'urgence parce que mes gars s'étaient taper dessus pendant que j'étais partie faire des courses.
Ensuite on s'est tapé l'urgence de Ste-Justine pour voir un orthopédiste et immobiliser la main de mon franc-maçon. 2h00 de plus à attendre de voir le doc. Et devinez quoi ? Un autre mâle l'a sermonné sans entrain en lui disant qu'il avait dû taper pas mal fort pour se casser ça comme un boxeur ! (sourire épais) Que la prochaine, fois, il devrait faire attention... Mais j'ai bien surpris encore ce fameux sourire entendu entre eux... ! Et ce petit éclair de fierté qu'ils ont échangé, eux aussi... Une fois de plus ! Et l'exclamation: Ah les gars, c'est comme ça ! Ben oui, les gars c'est épais de même, ça se tapoche dessus sans penser que ça pourrait mettre son frère sur une civière ou se casser quelque chose et qu'on doivent se taper une journée complète à l'Urgence au lieu de profiter d'un beau long congé pendant que papa est au loin !

L'infirmière en orthopédie a sauvé la donne. Elle n'a pas été impressionnée, elle ! Elle, elle n'a pas sourcillé quand il a dit comment il s'était fait ça. Et même lui a quelque peu adoucit son histoire pour s'ajuster à son regard réprobateur qui ne retournait pas de respect comme les autres docs mâles...

On les fabrique parfaits, on prend soin de les dorlotter, de les protéger, de les crémer, de les tenir au chaud, de les pomponner, de les blinder contre tout, mais ils sont toujours unbreakable under normal use... donc, cassables dans le cas de certains garçons. Je le sais, le mien ne vivra jamais under normal use. Il a toujours eu besoin de tester les limites physiques et psychologiques !!! Les siennes oui, bien entendu et les nôtres, à son père et moi. Il ne va pas dans la vie par les sentiers balisés où tout est un peu plus simple et plus facile à manoeuvrer. Non. Lui, il court quand les autres marchent, il grimpe quand il faut se pencher, il chante quand il faut chuchoter... Mais il a aussi le don de voir les choses différemment des autres. Mon fils hors normes voit ce que les autres ne voient pas, ressent ce que les autres croient cacher, relève le petit détail qui échappe et ce qui est anodin pour les autres !

À la garderie, il a décroché de l'histoire de Jacques et le Haricot que l'éducatrice lisait aux enfants dans le même livre, depuis 15 ans. Une autre éducatrice se serait fâchée voyant simplement un garçon qui n'écoute pas. Mais non, Suzie elle, lui a demandé pourquoi il n'écoutait plus l'histoire qu'il avait pourtant commencé avec plaisir: Il a répondu:
- Parce que ton histoire ne marche pas !
- Ah, bon, a-t elle continué, pourquoi ?
- Parce que la main du géant sur la poignée de la porte de Jacques...ce n'est pas la main d'un géant parce que celle-là, elle est de la bonne taille pour la poignée...
Suzie en a été quitte pour un choc de ne jamais s'être aperçu de l'erreur du dessinateur et de n'avoir jamais entendu pareil commentaire sur son livre... Mais nous on a bien compris ce qui se passait...

Voilà ! Pierre-Loup voit les choses différemment des autres... Alors, il fait son chemin comme personne d'autre. Très intelligent, plus cultivé que la moyenne des gars de son âge à cause de sa curiosité et de sa capacité à tout emmagasiner l'information qu'il dévore, mais brouillon, distrait, perdu, oubliant tout derrière lui, omettant des détails que nous jugeons importants, s'attardant sur ceux qui nous paraissent inutiles... Et chargé comme une boule d'énergie d'émotions et de sensations... Qui fait que parfois, le couvert de la marmite saute, le geste l'emporte sur le jugement et paf ! Il déborde, s'emporte, dépasse les limites, casse quelque chose... ou comme cette fois, se casse quelque chose !

J'espère juste qu'il ne croisera pas trop de franc-maçons pour le stimuler à continuer de pousser les limites... Et qu'il trouvera bien vite le moyen de canaliser cette aptitude qu'il a de ne pas être comme tout le monde... Pour trouver une autre valorisation que le cassage de bras pour se faire admirer !